Manu Champagne : «Avec les Niouzz, ma vie a basculé en quelques secondes !»

Manu Champagne est aujourd'hui aux commandes d'une émission musicale sur RTC Télé Liège. © D.R.
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

Le journaliste était le 2e présentateur des «Niouzz», le JT des enfants de la RTBF, qui fête en ce moment, ses 20 ans d’existence.

C’est le 13 mars 2000 que «Les Niouzz» ont été lancés sur la RTBF. À l’époque, c’était un journal télévisé produit de façon traditionnelle mais qui s’adressait à un jeune public avec ses mots et (déjà) ses codes. La toute première présentatrice était Annabelle Chevalier, mais le programme a accueilli d’autres noms connus aujourd’hui à la RTBF : Adrien Devyver, Cathy Immelen, Thomas Gadisseux, Gwenaëlle Dekegeleer, Thi Diem Quach ou Christophe Delstanches… C’était également un tremplin pour Manu Champagne.

Vous vous souvenez de vos débuts dans «Les Niouzz» ?

Ah oui… J’ai commencé en septembre 2000 où j’ai été engagé comme journaliste, initialement. Annabelle Chevalier a dû arrêter l’antenne précipitamment suite à un congé maternité. Mamine Pirotte (à l’époque directrice du Centre de Production de Liège, NDLR) m’a demandé de reprendre la présentation des «Niouzz», alors que je n’avais jamais fait d’essais d’antenne… Maintenant, on peut le dire, j’ai appris que je serais à l’antenne, cinq minutes avant la conférence de rentrée. J’étais tout pâle, et je n’ai rien compris de ce qui se passait. C’était un sacré basculement de ma vie en quelques secondes.

Vous avez aimé ça puisque vous êtes resté plusieurs saisons…

Tout est parti des visuels de lancement de la saison où j’avais eu l’idée de m’adresser directement aux enfants, et l’équipe a trouvé l’idée très bonne. Les choses se sont mises en place de façon improbable à cette époque. En plus, c’était en direct, et j’adorais ça.

C’est difficile de parler à des enfants à la télé ?

Je parle de la même façon à tout le monde en fait, mais ce qui est génial avec les enfants, c’est qu’ils gardent leur naïveté. Moi, le conventionnel, je n’y arrive pas, donc c’était parfait. Ce sont des vraies personnes remplies d’une énergie folle. Les enfants voient les choses différemment des adultes, et ils ont un avis franc, c’est quelque chose que nous, nous avons perdu avec la maturité…

«Les Niouzz» ont changé votre façon de faire le métier ?

J’ai appris faire la différence entre une question ouverte et une question fermée pour laisser les enfants dire le plus de choses possible. Et j’ai un souvenir de Louis Michel qui, pour expliquer les attentats du 11 septembre 2011, avait fait une comparaison avec enfants qui se liguent contre le grand costaud, dans un cours de récréation, et les jeunes ont tout de suite compris. C’était audacieux, mais je crois qu’on ne pourrait plus le faire aujourd’hui. Pourtant sa démarche était remplie d’humanité.

L’absence des réseaux sociaux, à cette époque, a rendu les choses plus faciles ?

Je ne sais pas. Je dirais que les réseaux sociaux ont fermé beaucoup de portes, mais ils en ont ouvert d’autres. En termes de façon de travailler, ça améliore pas mal de choses. Aujourd’hui, l’info est déjà sur les réseaux avant qu’on en parle dans une émission. Il faut la travailler autrement. La grosse problématique, c’est que la cible des «Niouzz», c’était 8-12 ans, et théoriquement, on ne peut pas être présent sur les réseaux sociaux avant 13 ans. Il y a une sorte de conflit à ce niveau-là… Tout ça fait que les enfants qui regardent «Les Niouzz» en 2020 ne sont plus les mêmes qu’en 2000, ils ne sont plus aussi naïfs parce qu’ils sont confrontés directement au monde. Et finalement, en 2000, internet… on n’était pas très loin. Il n’y avait pas encore une utilisation aussi régulière.

Vos enfants ont vu ces images ?

J’ai le souvenir incroyable de ma petite fille de 1 an qui m’a vu à la télé habillé de la même façon qu’avec elle dans le salon, et je crois que ça l’a un peu perturbée. Elle a vu «deux papas» en même temps, ça l’a pas mal fait pleurer…

La nouvelle formule des «Niouzz», vous en pensez quoi ?

L’écologie et les nouvelles technologies, c’est la logique des choses. Il est impossible, aujourd’hui, de contrecarrer l’immédiateté des réseaux sociaux sans y être présent. La télévision n’est plus l’outil de prédilection des enfants, même dans les classes. J’aime bien aussi ces thématiques environnementales, et l’idée de faire réfléchir les jeunes à des choses concrètes ou à des stratégies à long terme dans ce domaine. Je m’entends vraiment bien avec David Wathelet (producteur et éditeur actuel, NDLR). Aux «Niouzz», j’ai pu rencontrer des belles personnes et des belles âmes.

Ce sont ces belles personnes qui font le succès du programme ?

Oui, je pense. Au point de départ, «Les Niouzz» était un solide pari, ensuite, l’équipe a pris un sens des responsabilités avec les enfants dans la façon de leur parler qu’on ne retrouve pas dans un JT. On réfléchit autrement. On ne doit pas aller chercher la meilleure information qui va changer l’histoire, mais c’est «partager une information», c’est vraiment ce qui fait que «Les Niouzz» perdurent. Et ce n’est pas un hasard si pas mal de personnes sont passées par «Les Niouzz» et ont fait une carrière par la suite. Cette façon-là de concevoir le métier a modifié leur façon de travailler.

Pour vous aussi ?

Complètement. Ça a enrichi ma façon de faire ce métier. J’ai pris du plaisir en travaillant là-bas, je n’ai vécu que de super choses. Par contre, après, on n’a pas envie de s’ennuyer au travail, et on devient peut-être plus exigeant. (rires)

Quel est votre meilleur souvenir ?

Les séquences dans les cours de récréation,… Il faut savoir qu’on passait 4 fois par jour à la télé, et on a donné l’envie à plein d’enfants de faire de la télé. On a aussi été «la punition des parents», parce qu’à l’époque, il n’y avait qu’un seul écran, dans le salon, et les parents regardaient avec les enfants l’émission. Ce n’est pas la visibilité de François De Brigode, mais dans les cours de récré, c’était pas mal non plus côté star !

Vous en avez retrouvé 20 ans après ?

Il y a quelques temps, à, RTC (la télévision locale de Liège, NDLR), je devais conduire un stagiaire sur un reportage, et dans la voiture, il s’est rendu compte que son chauffeur était «le Manu Champagne des Niouzz», celui qui lui a donné l’envie de faire ce métier. Il a eu du mal à s’en remettre…

Que faites-vous aujourd’hui ?

Je suis devenu journaliste indépendant, notamment sur RTC Télé Liège, et j’ai un nouveau projet musical qui concerne les enfants et qui s’appelle «Folk NeverMind». Avec Didier Laloy (ex-Urban Trad) et Damien Chierichi, nous faisons des adaptations de titres de Nirvana en accordéon, violon et voix. On raconte l’évolution de la vie au travers l’univers musical de Nirvana. C’est une grosse partie de mon temps.

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Côté journalisme, j’ai une émission musicale sur RTC («Ça part en Live», reprise par les Télés locales, NDLR) et je collabore au JT. En fait, je poursuis ce que j’aime faire depuis toujours, c’est-à-dire la culture, le foot et un projet qui touche aux enfants.

Entretien : Pierre Bertinchamps

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